Fadoul

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Moroccan funk with a punk attitude

C’est en 2012 que je me suis pour la première fois rendu au Maroc, accompagnant Blitz The Ambassador en tournée alors qu’il était programmé au Mawazine Festival de Rabat. Ce festival était le dernier de la longue tournée de Blitz et je décidais de rester sur place un peu plus longtemps, m’offrant quelques jours off à Casablanca. Dans les années 60 / 70, cette ville magnifique accueillait la scène musicale marocaine et abritait la plupart des labels musicaux d’une industrie musicale florissante. Au hasard de ma découverte de la ville, une partie de la médina me fascina. C’est en m’aventurant dans des petites ruelles que je tombais sur une minuscule boutique, renfermant des milliers d’appareils électroniques cassés. J’allais passer mon chemin au moment où je remarque des piles de vinyles abandonnés, cachés derrière cet électroménager vétuste. Le propriétaire de cette boutique tenait un label dans les années 70 et se reconvertit en réparateur d’électroménager dans les années 80, à l’arrivée de la cassette sur le marché.

Fouiller dans ses disques, essentiellement des 45tours, m’a pris la journée et un disque en particulier attira mon attention. C’était celui du groupe Fadaul et les Privilèges, lequel mentionnait au dos du disque les crédits de James Brown concernant la chanson Sid Redad. Inutile de dire que j’étais impatient d’écouter ça et la première fois que je l’ai entendu, j’ai été bouleversé ! Une reprise de Papa got a brand new bag chantée en arabe et backée en live par un trio. Difficile de décrire la musique sans l’écouter au préalable. Mais après m’être familiarisé avec le genre, il m’a semblé évident de résumer le répertoire sous l’appellation Arabic funk played with a punk attitude. C’est pour moi ce qui serait la définition la plus fidèle. Je me suis très vite retrouvé contaminé voire obsédé par ce disque mais durant mes recherches personne n’était en mesure de me renseigner quant à l’origine de ces groupes, de ces vinyles oubliés, même Google ne m’a été d’aucune aide. Une sorte de parenthèse oubliée dans l’Histoire de la Musique. Alors j’ai continué à sillonner le Maroc à la recherche d’informations introuvables ! J’ai insisté et le fait de tomber sur d’autres disques de Fadoul m’a redonné espoir. Un total de 4 albums signés Fadoul existait. Tous avaient le son ‘rough’ du morceau Sid Redad. Des interprétations énergiques, une voix puissante et une ambiance live palpable irrésistible ! Ce n’est qu’en 2014 que j’ai trouvé des informations dignes de ce nom sur Fadoul, grâce à ma rencontre avec un autre groupe marocain appelé Golden Hands.

Ils m’ont informé que Fadoul était décédé il y a longtemps. Aussi triste que cela a été pour moi de l’apprendre, cette nouvelle a marqué le début d’une véritable enquête qui commença par un appel téléphonique avec un autre chanteur marocain du nom de Tony Day, lequel savait où résidait la famille de Fadoul durant les années 80. Un voyage au Maroc supplémentaire, un nombre incalculable d’allers et venues en taxi et autant de conversations dans la rue finirent par m’amener devant la maison de famille de Fadoul à Casablanca. J’ai fini par rencontrer une de ses sœurs qui partagea avec moi de magnifiques anecdotes sur la vie de son frère. Un esprit créatif, à la fois peintre, comédien et musicien qui finalement mit toute son énergie dans sa musique. Il passa un bon moment à Paris, fasciné par la musique de James Brown et d’autres groupes américains, posant les fondations de son mélange unique entre musique orientale et influences occidentales.

Après une belle période passée à enregistrer sa musique, il continua d’écrire et d’explorer de nouveaux possibles musicaux. Artiste reconnu, Fadoul composa même la musique d’une publicité pour la plus grande marque de jus d’orange marocain. Il se maria et eut deux enfants. C’est en 1991 que Fadoul décéda, à Casablanca à l’âge de 50 ans. Inutile de décrire toute l’émotion qui fut la nôtre de nous retrouver dans la salle à manger de la famille Fadoul. Pour sa famille et sa sœur, jamais ils n’auraient imaginé que la musique de Fadoul aurait à ce point intéressé en dehors du Maroc. En raison de l’absence de platines, cela faisait 30 ans qu’ils n’avaient pas entendu sa musique à la maison. J’arrivais pour ma part, après 3 longues années, à l’aboutissement de mes recherches. J’étais plus que satisfait de les voir se réjouir à l’idée de rééditer la musique de Fadoul. Donc, le voici aujourd’hui : le tout premier album de Fadoul « Al Zman Saib (Time Is Hard)“, 45 ans après sa sortie originale.

Habibi Funk est un label déposé par Jakarta Records et une réserve de trésors cachés funky / soulful et/ou d’influence psychédélique venus des musiques du monde arabe des 60’s, 70’s et 80’s. Jannis de Jakarta Records a dû beaucoup voyager en Afrique du Nord ces dernières années et il profita du fait qu’il accompagnait Blitz The Ambassador sur sa tournée et d’une session studio avec Oddisee et Olof Dreijer (The Knife) pour l’enregistrement du projet Sawtuha en Tunisie. C’est en se rendant sur place qu’il a commencé à ‘digger’ chez divers disquaires locaux pour découvrir un incroyable fond de musique inédite créée dans les années 60, 70 et 80. A partir de ce moment, il décida de pousser plus loin ses recherches et de se rendre au Maroc, en Tunisie et en Égypte, à la recherche de raretés. C’est incroyable de constater comment la musique arabe de cette période est à l’opposé des stéréotypes qui lui collent à la peau, la considérant bien souvent à tort comme une musique communautaire. La plupart des informations concernant les disques déterrés sur ses territoires africains sont introuvables sur internet ou ailleurs, n’ont jamais atteint les nombreuses références du site EBay et, par voie de conséquence, n’ont jamais été entendu par un large public. Phénomène étrange quand on pense que certains de ces albums sont devenus des albums culte, fondateurs de l’arabic groove.

A l’heure actuelle, Jannis a déjà consacré 4 mixes différents à ses trouvailles, des curiosités inédites qui ont rapidement été reprises par des médias comme Radio Nova, Neon Magazine, The Guardian, okayplayer.com, yourmiddleeast, Konbini.fr, Clique.tv, Wax Poetics, Jeune Afrique et plus encore ! Après ce succès et un intérêt évident pour ces mixes, Jakarta Records a décidé que le moment était venu de rééditer quelques-uns des albums utilisés pour ces mixes. Une décision qui marque la naissance du label Habibi Funk Records. La première réédition a été consacrée à l’artiste tunisien Dalton. Désireux de faire les choses dans les règles et rendre hommage à ses créateurs, Jakarta propose une licence directe au compositeur original et leader du groupe tunisien. Cette sortie intrigue autant qu’elle passionne et est rapidement suivie par la réédition de Fadoul, chanteur marocain, disparu depuis 25 ans mais dont les ayant-droits furent retrouvés par Jannis Stuerz après 3 années de recherches ! Désormais, pour ses énergiques Dj-sets live, Jannis joue systématiquement ces vinyles funky, mélangeant habilement ses trouvailles venues du Soudan, du Maroc, de Tunisie, d’Égypte, de Syrie, du Liban, jusqu’aux nombreux pays de la diaspora arabique.


Ecouter les 4 mixes exclusifs
https://soundcloud.com/jakarta-records/jakarta-radio-001-jannis-of
https://soundcloud.com/jakarta-records/radio-jakarta-007
https://soundcloud.com/habibifunk/habibi-funk-002-mix-by-jannis-of-jakarta-records-mix-of-arabic-60s-70s-vinyl
https://soundcloud.com/habibifunk/habibi-funk-004-mix-by-jannis-of-jakarta-records-mix-of-arabic-70s-80s-vinyl
https://soundcloud.com/habibifunk/fadaul-al-zmain-saib-time-is-hard
Ils aiment déjà Habibi Funk :
http://www.novaplanet.com/novamag/41619
http://www.konbini.com/fr/entertainment-2/jakarta-records-mixes
http://www.clique.tv/le-habibi-funk-de-jakarta-rec
http://www.okayplayer.com/news/mixtape-monday-jakarta
http://www.waxpoetics.com/music/mixtape/mixtape-funky-arabic
http://www.theguardian.com/music/2015/apr/01/the-playlist

 

Fadoul – Al Zman Saïb (2015)
Fadoul – Al Zman Saïb (2015)

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