Pablo Moses

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Né en 1953, à Plowden un village rural dans la paroisse Jamaïquaine de Manchester, on connaît peu de choses sur la jeunesse de Pableto Henry alias Pablo Moses. On sait qu’il a choisi son nom de scène pour refléter ses origines africaines et dénoncer son patronyme hérité d’un colon anglais. Très tôt, il a chanté dans les églises avant de participer à de nombreux groupes où il a fini par interpréter ses propres compositions. Pablo se sent proche des rastas et plus particulièrement de l’association Twelve Tribes Of Israel dont un des illustres membres n’était autre que Bob Marley. Féru de littérature, notre chanteur s’intéresse aux grands hommes du peuple noir : Kwame Nkrumah – un révolutionnaire pan-africaniste ghanéen -, les Américains Steve Biko et Martin Luther King sans parler de Marcus Mosiah Garvey, fameux leader noir jamaïquain qui prônait le retour en Afrique : « Il est primordial d’utiliser ses connaissances pour ouvrir de nouvelles portes et franchir des paliers afin d’aller plus haut et plus loin. Pour les rastas, le rapatriement en Afrique est avant tout quelque chose de culturel, un état d’esprit. Pour savoir qui tu es, tu dois d’abord avoir conscience de ton histoire et savoir d’où tu viens ». Musicalement, si Pablo écoute de la musique jamaïquaine, il  est également

fasciné par le Rythm’n’Blues et la soul d’Outre-Atlantique : Fats Domino, Otis Redding, Ray Charles ou Nat King Cole. Alors que de nombreux artistes ont besoin de temps pour donner le meilleur d’eux-mêmes, ce n’est absolument pas le cas de Pablo Moses. En 1975, avec son premier enregistrement I Am a Grassohopper, il démontre déjà une maturité et un talent rares. Une impression totalement confirmée l’année suivante avec son second 45t We Should Be In Angola. En 1977, Pablo sort le premier volume d’un triptyque considéré par beaucoup comme de véritables chefs d’œuvres du reggae des années 70 : « Revolutionary Dream ». Produit par le très sous-estimé Geoffrey Chung, ce disque met parfaitement en valeur les textes quasi-prophétiques de notre chanteur. La voix de Pablo, étrange et nasillarde, est reconnaissable entre mille. Ses mélodies vocales si particulières constituent également une de ses signatures les plus recherchées. « Revolutionary Dream » acquiert un tel succès partout dans le monde que le journaliste américain du Village Voice trouve un surnom qui définit bien notre chanteur : poète diplômé d’université. Afin de parfaire ses connaissances musicales, Pablo intègre pendant deux années la prestigieuse Jamaican School Of Music pour étudier le jazz, le funk ou le rock. Toujours supervisé par Geoffrey Chung, son second essai « A Song » (1980) bénéficie de cet apprentissage, son reggae roots fusionne avec diverses influences. Ce 33t arrive à point nommé et accentue encore sa popularité, d’autant que c’est la major compagnie Island Records qui se charge de la logistique. Il bénéficie ainsi d’un budget correct pour un projet reggae, les musiciens réputés tels Cedric Brooks ou Sly & Robbie sont rejoints

par des choristes de luxe comme Freddie McGregor, Judy Mowatt ou Rita Marley. Chose assez rare pour être signalée, il n’y a tout simplement aucun mauvais titre sur ce disque, la critique quasi unanime désigne même Pablo Moses comme l’un des prétendants à la couronne du roi Marley. Dernier chef d’œuvre construit avec l’aide de Geoffrey Chung, « Pave The Way » (1981) sera la meilleure vente de Pablo Moses, Island ayant décidé de distribuer également ce projet aux Etats-Unis. Artistiquement parlant, cet album est légèrement en dessous des deux précédents mais reste un excellent opus aux arrangements très soignés.

Malheureusement, c’est le moment choisi par le producteur Geoffrey Chung pour se brouiller avec Chris Blackwell, patron d’Island Records, laissant notre chanteur sans maison de disque. Pablo décide alors de se prendre en main et d’auto-produire son album suivant « In the Future ». N’ayant pas l’argent nécessaire, il réussit toutefois à emprunter le strict minimum à son propre avocat ! Pour autant, Pablo décide de faire les choses au mieux en enregistrant à Tuff Gong, Kingston (JA), studio construit par Bob Marley, avec Errol Brown, l’un des ingénieurs du son attitré du roi du reggae. « Comme mon budget était très limité, se souvient Pablo, j’ai dû chanter toutes mes chansons en une seule journée, sans même avoir la possibilité de faire des choeurs ou des arrangements. J’ai eu longtemps beaucoup de mal à réécouter ce disque car à chaque fois je pensais à tout ce que j’aurais pu faire avec un budget supérieur. Mais plus le temps passe, plus j’apprécie ce côté brut de décoffrage ». Concernant les musiciens, il décide de contacter le who’s who des instrumentistes locaux dont deux membres des Wailers : le batteur Mikey ‘Boo’ Richards et le clavier Earl ‘Wire’ Lindo. La prestigieuse liste continue avec l’une des meilleures sections-cuivres de l’île (Dean Fraser, Dave Madden et Nambo Robinson), les incontournables percussionnistes Sticky Thompson et Skully Simms sans oublier quelques membres habituels du groupe accompagnant régulièrement Pablo Moses en concert (Lowell Francis, Donald Prendergast ou Peter Ashboune). De plus, lors de l’enregistrement des premières prises musicales, Aston ‘Family Man’ Barrett (légendaire bassiste de Bob Marley) passe par hasard dans le studio. Séduit par ce qu’il entend, il demande à Pablo de pouvoir jouer quelques lignes. Alors que ce n’était pas du tout prévu au départ, Familyman apparaît sur trois titres Ready Aim fire, Sillie Willie et The Slayer. Musicalement, Pablo Moses décide à nouveau d’inclure de nouvelles influences dans son reggae roots, une énergie et des solos de guitare très rock et l’utilisation d’instruments électroniques variés. Il va même jusqu’à se servir du vocodeur – l’ancêtre de notre Autotune. En plus des textes et des vocaux, Pablo s’occupe de la composition musicale, des arrangements jusqu’à superviser la production. Comme toujours, les lyrics écrits par Pablo Moses révèlent l’état d’esprit du chanteur au moment de leur création. Le monde que l’on voit à travers le filtre de notre chanteur est assez effrayant : il décrit la vision inquiétante d’une société orwellienne totalitaire où les pensées déviantes sont minutieusement surveillées. Heureusement, notre chanteur contrebalance cette noirceur par une saine ironie, prônant également un retour vers les valeurs simples, spirituelles et mythiques du rastafarisme. Si le gros tube radiophonique Ready Aim Fire décrit la meilleure façon de manier une arme, I and I naw bow est un hymne à l’autonomie rasta, The Slayer parle de la violence que l’on peut subir quotidiennement dans nos sociétés modernes, alors que Who est un plaidoyer pour les pauvres du monde entier qui travaillent pour leur survie (Il faut rendre justice au peuple/ libérez les travailleurs de leur poids / Et leur donner l’argent qu’il mérite). Le résultat final est si étonnant pour l’époque que la journaliste musicale spécialisée Carol Cooper journaliste décrit « In the Future » comme de « l’acid reggae, une musique qui ronge les crasses de la vie moderne et brûle toutes les illusions ». En 2016, le label français Grounded Music a eu l’excellente idée de ressortir cet album complété de trois splendides versions dub mixées par Geoffrey Chung. Cerise sur le gâteau, les fans de reggae roots pourront également se procurer ses quatre premiers albums originaux (« Revolutionary Dream »,  A Song », « Pave The Way » et « In the Future ») réédités en vinyles, remasterisés et agrémentés de versions dub inédites. Dernière information d’importance, un nouvel album de Pablo Moses, produit par Harrison ‘Professor’ Stafford est annoncé pour le début de l’année 2017.

Biographie 2016 par Gilbert Pytel

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Pablo Moses – The Itinuation (2017)
Pablo Moses – The Itinuation (2017)
Pablo Moses – Best Of (2016)
Pablo Moses – Best Of (2016)
Pablo Moses – In The Future (2016)
Pablo Moses – In The Future (2016)

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