Lors de sa 1ere venue en France, en novembre 2004, James « Plunky » Branch a plongé le New Morning dans une transe contagieuse. A cette occasion, le public français découvrait pour la première fois, sur scène, le saxophoniste, leader de Juju (1971-1974), devenue par la suite Oneness Of Juju (1975-1981), puis Plunky & Oneness Of Juju (1982-1988), enfin Plunky & Oneness (1988 – aujourd’hui), auteur de nombreux albums (25) avec ces différentes formations et directeur de son propre label N.A.M.E. Brand Records.
Cultive, engage politiquement, Plunky (son surnom depuis l’enfance) a longtemps étudie les rythmes africains, suivi les évolutions musicales, du be-bop au hip-hop, en passant par le funk. Admirateur de Pharoah Sanders, Maceo Parker ou de Fela, sa musique reflète ce savant mélange des genres, porte par une vraie spiritualité. Son retour en France en 2006, a draine plus de monde encore, enthousiasme le public du New Morning (Paris), a Marseille et a Montpellier. Plunky & Oneness est souvent décrit comme le chainon manquant entre Pharoah Sanders et Kool & The Gang ! Ses dernières années, le groupe a retrouvé le devant de la scène avec des tournées aux Etats-Unis avec Earth Wind & Fire ou le SOS Band et de nombreux gigs en Europe.
Originaire de Richmond ou il est ne le 20 juillet 1947, ou il a grandi et ou il est revenu vivre après des années passées a San Francisco et a New York, James Plunky Branch a explore de nombreux styles au fil de sa carrière : le free jazz, l’afro beat et le funk. Plunky Branch grandit avec le rythm’n’blues et le gospel comme premiers points de repère. Jeune, Il apprend le piano puis la clarinette. Il découvrira le jazz plus tard, au collège. Ses premiers modèles sont King Curtis et Maceo Parker, le saxophoniste de James Brown (que celui-ci encourageait d’un reste célèbre : « Blow Maceo ! Blow ! »), les cuivres de Ray Charles aussi. Son premier professeur, Joseph Kennedy, est violoniste chez Ahmad Jamal. Mais le jeune Plunky rêve alors de devenir chimiste. Il poursuit ses études au moment ou russes et américains sont en concurrence pour être les premiers a explorer l’espace. Il s’imagine dans des programmes scientifiques.
Finalement, en grandissant, il comprend que sa passion le destine seulement à œuvrer un jour pour l’industrie militaire. Au lycée, il prend conscience de son environnement sur le plan politique. La période – les années soixante, le mouvement pour les Droits Civiques, la guerre du Vietnam -, accélère son intérêt pour les grandes luttes d’alors. Ce regard sur la situation de la communauté afro-americaine notamment accompagnera son investissement artistique tout au long de son existence. Richmond, en Virginie, capitale du sud, est une ville encore fortement ségréguée. Au lycée, le jeune Plunky ne compte pratiquement pas d’amis blancs. Quand il part étudier a l’Université de Columbia, a New York, il se retrouve parmi une infime minorité de noirs au milieu du campus. Mais a New York en 1965, il s’ouvre aux évolutions culturelles de cette époque foisonnante, forme son premier groupe, The Soul Syndicate. Dans « La Grosse Pomme », il va écouter John Coltrane, Pharoah Sanders. « C’était une époque très créative. Les musiciens jouaient avec une intensité incroyable. Il fallait entendre au-delà des notes leur investissement spirituel et leur conscience politique. Certaines choses pouvaient sembler étranges sur le plan esthétique, mais elles avaient beaucoup de sens pour un jeune homme comme moi », se souvient-il.
En 1969, Plunky part pour San Francisco : « J’étais impliqué dans les mouvements anti-guerre du Vietnam et je refusais de partir là-bas. Le FBI était a mes trousses ». Là, il rencontre Ndikho Xaba, musicien exilé sud-africain qui lui explique les conflits en Afrique, le rôle social de la musique dans la vie des Africains. « Ce fut un autre tournant puisque par la suite, avec Juju, j’ai mêlé jazz, rythm’n’blues et rythmes africains. » A San Francisco, Plunky et son groupe Juju côtoient Pharoah Sanders, Sun Ra, Santana. Plunky revient ensuite a New York en 1973 et enregistre deux albums pour le label Stata East (fondé par le trompettiste Charles Tolliver et le pianiste Stanley Cowell). A commencer par « A Message From Mozambique », en référence au conflit là-bas. L’album contient des thèmes aux intitules explicites : Freedom Fighter, Make Your Own Revolution Now. Puis se sera le second projet « Chapter 2 : Nia ». « Les jazzmen appréciaient notre démarche (…) Nous avons ainsi pu jouer avec Sam Rivers, Rashied Ali, Julius Hemphill, Clifford Jordan, Sonny Fortune, qui aimaient notre énergie. Ornette Coleman nous a aidé et permis de jouer chez lui, dans son propre studio. D’autres aussi nous ont aidé comme le saxophoniste John Gilmore qui est devenu un mentor et nous a permis d’ouvrir pour le groupe de Sun Ra », poursuit-il. Plunky et ses partenaires vivent avec peu, les temps sont durs. Plunky propose ses projets suivants, notamment « African Rhythms » (sa magnifique couverture) et « Space Jungle Luv » sur un autre label indépendant, Black Fire.
Le groupe de Plunky « ouvre » dans les années quatre-vingt pour Kool & The Gang, les Ohio Players, EW&F, Patti Labelle, Frankie Beverly & Maze, The Isley Brothers ou encore Ray Charles, signe de son éclectisme. « J’ai aussi fait une tournée avec Bobby Byrd, a cette époque. En fait, quand je suis retourne vivre a Richmond en 1974, je me suis retrouvé face a un public qui n’avait pas les mêmes repères, qui n’avait pas vécu les bouleversements qui avaient eu lieu a New York ou a San Francisco. Je pense qu’un musicien doit chercher a communiquer avec les gens. Je suis donc revenu à une expression plus funk, plus « terrestre » : d’où le changement de nom et le passage de Juju, jazz et expérimental, a Oneness Of Juju puis Plunky & Oneness Of Juju, plus funk avec toujours cette dimension « africaine », cette ouverture héritée de mes rencontres. J’ai continue a m’investir : j’ai fondé le label N.A.M.E. (pour New African Musical Enterprises), j’ai monté une organisation qui aide les musiciens, qui gère une galerie d’art. Pour moi, il n’y a pas de contradiction entre ces disciplines. »
Pour prolonger ses recherches Plunky part ensuite en Afrique en 1986. « J’y suis allé six fois par la suite. J’ai confronté ma vision idéalisée de l’Afrique, a la réalité, bien plus rude. Je suis passé par le Ghana, le Nigeria. Ce fut une source d’inspiration très profonde. Je suis ensuite allé plusieurs fois à Cuba et au Brésil. »
Avec le temps, celui qui s’est longtemps rapproché des jazzmen est donc revenu a ses bases. Comme en attestent ses dernières tournées aux États-Unis, où il a partagé l’affiche avec le roi de la Go-Go, Chuck Brown, ou avec le groupe de funk Brass Construction. « J’ai toujours été plutôt un musicien de soul venu au jazz sur le tard. C’est mon cheminement. Vous ne pouvez pas gommer vos racines. J’ai été bercé par le blues, la soul, le r’n’b. Si vous venez me voir en concert, vous entendrez toujours ces racines dans ma musique. » Ce que confirme le « Live In Paris », son dernier CD-DVD en date.
Biographie par Romain Grosman